Fatima Zibouh, un parcours dédié à l’inclusion
Découvrez le parcours de Fatima Zibouh, responsable d'Actiris inclusive, le service anti-discrimination qui reçoit et accompagne les chercheurs d’emploi qui sont ou/et se sentent victimes de discrimination à l’embauche.
Pouvez-vous expliquer votre métier en quelques mots ?
Je suis responsable d’Actiris inclusive, le service anti-discrimination qui reçoit et accompagne les chercheurs d’emploi qui sont ou/et se sentent victimes de discrimination à l’embauche.
Je suis aussi doctorante en science politique et sociale.
Mon travail porte sur des questions liées à la diversité culturelle et sociale et je suis également engagée au niveau associatif.
Depuis 20 ans, je suis impliquée au sein de la société civile au travers de différentes associations et organisations.
Pour résumer, je me définis comme entrepreneure sociale car c’est ce qui permet de mettre un dénominateur commun à travers ces différents engagements.
Mon parcours est un parcours dédié à l’inclusion.
D’où vous est venue l’idée de travailler dans cette entreprise ?
Après 20 ans d’engagement, de parcours professionnel et social, je me suis posé cette question : qu’est-ce qui lie toutes mes activités ensemble ?
Je me suis rendue compte que ce qui m’animait c’était de créer des espaces de rencontre, d’échange et de connaissances. Nous avons la chance de vivre dans un pays multiculturel mais la diversité, cela ne suffit pas. Il faut faire en sorte de créer un projet de société inclusif afin que les gens se rencontrent et contribuent ensemble à définir un horizon commun.
« Donc, ce qui caractérise mon parcours, c’est vraiment l’inclusion. »
Que ce soit à travers la recherche académique, mon travail actuel chez Actiris ou mon engagement associatif.
J’ai travaillé pendant plus de 10 ans à l’université, j’ai effectué plusieurs recherches, et tous mes travaux étaient liés aux enjeux de diversité etd’inclusion.
Est-il difficile de travailler dans un univers encore très masculin?
Chez Actiris, ce n’est pas le cas, il y a une forte présence féminine, même dans le comité de direction qui est composé de plus de moitié de femmes.
De manière générale, pour moi, le plus gros défi n’a pas été d’être femme mais ça a été d’être femme et issue d’une minorité.
Je suis d’origine marocaine, j’habite Molenbeek depuis toujours et je viens d’un milieu populaire plutôt ouvrier.
C’est finalement ces différents éléments-là qui ont rendu la tâche plus compliquée, mais également plus passionnante !
J’ai dû faire plus d’efforts, étant issue de la diversité et ne venant pas d’un milieu social aisé dans lequel on ne part pas à égalité.
J’avais d’autres atouts, mais plus d’obstacles à surmonter !
C’est à l’université que j’ai rencontré d’autres univers, qui ont été en quelque sorte un choc des cultures, une véritable découverte de mondes que je ne connaissais pas.
« De plus, en tant que femme, on souffre déjà du syndrome de l’impostrice qui crée un sentiment de devoir faire plus pour avoir une légitimité et pouvoir intervenir. »
Le message essentiel à transmettre aux femmes c’est :
Soyez maîtresse de votre destin, soyez leader de votre propre vie, questionnez vos rêves qui vous animent depuis votre plus tendre enfance et que vous avez oublié dans votre parcours, à cause d’une certaine éducation ou de la socialisation.
Revenez vers cela et redéfinissez votre projet de vie personnel et professionnel pour le concrétiser.
Nous vivons dans une société où c’est possible, mais le message n’est pas assez diffusé, peut-être par manque de rôles modèles qui nous montrent le chemin.
« On évolue dans un environnement où nous n’avons pas forcément transmis cette flamme et c’est important de refaire rêver les femmes. »
Je rencontre tous les jours des femmes qui ne rêvent plus et cela m’interpelle beaucoup.
Elles choisissent parfois de redéfinir leur carrière par défaut et sans que ça corresponde véritablement à leurs convictions.
Je suis convaincue qu’on est toutes portées par quelque chose, on a toutes un talent qui est en nous et qui est là dès notre plus tendre enfance.
Il faut pouvoir être à l’écoute de la musique intérieure qui nous anime.
Aujourd’hui il existe tout un tas de services pour concrétiser ses objectifs.
Qu’on ait 20, 40 ou 50 ans, il n’est jamais trop tard pour redéfinir à 360 degrés son projet professionnel et personnel.
L’objectif ?
Pouvoir arriver à ce que disait le Dalaï-lama : Aimez votre métier et vous aurez le sentiment de ne jamais travailler !
J’espère que des initiatives comme la vôtre pourront sensibiliser les femmes à revenir vers ce qui les animent réellement.
Quelle est votre journée type ?
J’ai une organisation très minutieuse, mais mes journées ne se ressemblent pas !
Quand je fais du rangement ou le ménage, j’écoute mes podcasts, les émissions que j’ai ratées ou encore les témoignages de personnes inspirantes.
Quand je vais marcher, c’est le moment où je passe mes coups de fils ou tous les appels manqués.
J’essaye également d’avoir une heure de lecture par jour avant de dormir.
Ma journée ne s’arrête pas à 17H !
Je travaille aussi beaucoup en mind mapping et to do lists.
Il est possible de faire des tas de choses dans une journée, mais il faut être organisé.
Un des échecs le plus difficile que vous avez eu ?
Honnêtement, la question de l’échec n’existe pas dans mon mindset.
J’aime cette citation de Socrate qui m’accompagne partout depuis déjà 20 ans :
« L’échec ce n’est pas de tomber, c’est de rester là où on est tombé. »
Si nous intégrons cela, il n’y a pas d’échec mais uniquement des enseignements.
A la sortie de mes études, lors d’un entretien d’embauche, on m’avait dit que je correspondais très bien au profil, que j’étais sélectionnée, qu’avant de signer le contrat je devais laisser mon foulard au vestiaire. Ce jour-là, j’ai ressenti une discrimination car j’avais été reprise pour mes compétences mais on me reprochait ma tenue vestimentaire.
C’était quelque chose de très violent, je l’ai vécu comme une véritable agression.
Du coup, il était hors de question qu’on ne m’accepte pas entièrement dans ce que j’étais, on me prend avec mon turban, foulard ou pas.
Personne n’a à me dicter comment je dois m’habiller.
« Il faut laisser à toute femme la liberté de porter ce qu’elle veut »
Quelques semaines plus tard, j’ai eu un poste pour faire de la recherche à l’université qui m’a ouvert la porte à faire un doctorat, chose qui n’était pas du tout dans mon programme de vie car cela me semblait presque inaccessible.
« De toute expérience négative peut ressortir du positif »
Comment fais-tu pour asseoir ton autorité face à des situations difficiles ?
Je suis quelqu’un qui déteste le conflit, c’est dans ma nature. Je suis convaincue que le monde n’est pas blanc ou noir mais qu’il y a aussi des zones de gris.
On a deux choix face à des personnes avec lesquelles on ne peut pas discuter : soit on va à l’affront, soit on se dit “est-ce que le jeu en vaut vraiment la chandelle ?”
La bienveillance est la meilleure façon de pouvoir engager le dialogue et d’écouter l’autre.
Être dans l’écoute optimale de ce que l’autre défend permet aussi de trouver une voie médiane pour essayer de trouver un consensus. Et je crois fortement à l’intelligence collective !
Comment gérez-vous les feedbacks que vous recevez ?
Les feed-back sont très importants pour moi, je prends le temps avec mon équipe de faire le point de façon très régulière.
Dans ces moments de check-in, on aligne/ on rééquilibre les énergies.
La bienveillance est encore une fois très importante dans une relation d’équipe.
Est-ce que vous pouvez définir votre métier en une seule phrase ?
Mon parcours est entièrement dédié à l’inclusion mais aussi au développement d’espaces consacrés à la rencontre, à la collaboration et aux connexions avec des personnes de divers horizons.
« Nous sommes toutes et tous acteurs et actrices du changement. »
Avec d’autres Bruxelloises formidables, j’ai développé un projet il y a deux ans, W100.
L’idée c’est de réunir 100 actrices du changement habitant Bruxellois, 100 leaders et de les mettre ensemble autour d’une table pour discuter ensemble des enjeux de notre Région. Il pouvaitt s’agir d’une CEO ou d’une maman active dans un quartier ou d’une femme engagée sur la question des sans-abris ou des réfugiés, etc. Elles sont toutes leaders à leur façon.
C’est féminin à 100 %. Tout ce projet est imprégné de cet esprit d’inclusion radicale.
Quelle valeur avez-vous envie de transmettre dans votre activité ?
La bienveillance, l’inclusion et la participation sont essentielles.
Les politiques d’inclusion doivent être généralisées au plus grand nombre.
Je ne crois pas aux projets menés sans participation, Gandhi disait : une politique qui est faite pour nous, sans nous et une politique contre nous.
L’expertise du vécu est essentielle pour pouvoir matérialiser quelque chose.
Les entrepreneur.es doivent avoir cette humilité, de faire un pas de côté pour donner la parole à l’équipe, au collectif.
Cela crée un sentiment d’adhésion plus fort.
L’enjeu de l’inclusion se fait à l’emploi mais aussi au niveau politique et de la culture, dans tous les champs de la société.
Il s’agit vraiment du fil conducteur de tout un combat, et ce combat est le mien.
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